Zina, “Immigration Espoir Intégration”, rue Philippe de Girard
Je suis militante depuis 28 ans. j’ai commencé mon action militante en Tunisie à l’âge de 15 ans pour la démocratie, pour la liberté d’expression, pour l’égalité sociale. J’ai rapidement été persécutée pour mes actions par l’ancien régime de Ben Ali et j’ai dû fuir mon pays.
J’ai vécu quelques années en Italie où je me suis investie dans les syndicats de travailleurs immigrés. En 2008, je suis venue en France pour la scolarité de mes enfants. J’ai peu de moyens et dans les écoles publiques italiennes, les conditions sont difficiles.
J’ai toujours continué mes activités militantes sur les réseaux sociaux, je suis une blogueuse très active. Les printemps arabes nous avaient rendu quelques espoirs pour la Tunisie, mais la situation est pire encore puisque la dictature est religieuse, c’est une régression. Je suis musulmane pratiquante et il est de mon devoir de lutter contre l’obscurantisme. Mes principales armes sont l’humour et le savoir! Ce qui fait qu’aujourd’hui je suis une ennemie du nouveau régime islamiste en Tunisie. Je ne suis pas prête de pouvoir rentrer, mais jusqu’en 2015 je me sentais en sécurité, ici en France. Je pensais que mes enfants étaient en sécurité.
Mais il y a eu les attentats de Charlie Hebdo et du magasin Hyper Casher. Ça a été comme une déflagration intérieure. Je ne pouvais pas réaliser que le terrorisme était arrivé jusqu’ici. Pouvoir être victime à tout moment. Ils tuent des gens innocents dans cette supérette, des juifs tunisiens pour leur religion, c’est terrible !
J’ai décidé de lutter. Je me suis mise tout de suite à faire un plan d’action, remplir ce qui pour moi est un devoir de citoyenne avertie et j’ai créé mon association en avril 2015 : « Association Immigration Espoir Intégration ».
J’ai pris un local, ici à Belsunce, en face d’une école et d’une mosquée. J’ai vendu le terrain familial que j’avais gardé en Tunisie pour payer le loyer. Et chaque jour, je suis là. Il faut que les gens sachent, éclairer les consciences, se battre contre la barbarie, contre les intégrismes de toutes sortes.
Enfant, à Tunis, j’ai eu la chance de grandir dans un quartier où français, tunisiens, catholiques, musulmans, juifs, grecs, espagnols; quelque soit notre religion, notre origine, on vivait ensemble sans aucun problème, sans poser la question au voisin de savoir s’il est croyant ou non, s’il fait la prière ou non. Cette question aurait été vraiment ridicule. Pour nous ce sont des voisins, point.
Il faut que les gens vivent ensemble dans de bonnes conditions. Ils doivent savoir quelle terre nous accueille et ce que l’on a à lui rendre. Connaître ses droits autant que ses devoirs. Nous proposons avant tout un lieu d’aide et d’accueil pour les nouveaux arrivants. Il y a tellement de besoins. Les gens ont besoin de parler, de vider leur sac, ils ont tant de difficultés. On est là, on soutient.
Cette lutte ce n’est pas la mienne c’est la lutte de toute une société, que ce soit à Marseille ou dans toute la France, chacun est concerné, la lutte pour la paix, pour que les valeurs de la république nous guident. Ce sont des valeurs universelles, que l’on retrouve aussi dans toutes les religions. La liberté, l’égalité, la fraternité. Il faut leur redonner du sens. J’ai toujours agi de manière pacifiste mais sans peur, en portant haut et fort mes idées. Que ce soit sur les réseaux sociaux, dans mon local, dans la rue.