Emma, au pied de la Gare Saint-Charles
« Ça fait trois ans que j’habite le quartier, là juste en bas des escaliers de la gare. Je connaissais Marseille, j’ai tout fait pour avoir un contrat de thèse ici et quitter Paris. J’aime habiter au pied de la gare. C’est un endroit vivant, un lieu de transit, avec tous ces gens qui vont qui viennent, qui s’installent où qui repartent. Ça raconte plein d’histoires. Ici, c’est toutes les questions existentielles qui se posent : d’où viens-je ? Où vais-je ? Qu’est-ce que je vais faire de ma vie ?
C’est l’endroit où je n’ai pas cessé d’arriver, de repartir. Les aller-retours entre Paris et Marseille, pour le travail. Et aujourd’hui, je ne veux plus partir. Je suis enceinte, c’est une belle période de ma vie où ces questions-là ont trouvé des réponses dans la rencontre, dans l’amour. J’ai passé beaucoup de temps à me poser des questions, à monter et descendre les escaliers et maintenant je passe en bas et je n’ai plus envie de prendre le train.
J’attends une fille. C’est une future nouvelle habitante qui arrive dans une ville où il y a beaucoup de douceur de vivre. Avec Clément, mon compagnon, on lui a choisi un prénom qui a plusieurs significations en différentes langues et aussi un sens commun dans différentes cultures. En lien avec la Méditerranée, en lien avec l’hébreu puisque je suis juive. Et Clément, lui, travaille beaucoup en Egypte et il parle l’arabe. On cherchait du lien avec nous, avec ce qui est important pour chacun de nous. En même temps on ne voulait pas trop la charger.
C’est un prénom pas trop marqué. Un joli prénom qui sonne plutôt péruvien, qui renvoie à un imaginaire de civilisations amérindiennes. Et le sens littéral a une dimension universelle et géographique, ça veut dire eau en arabe et en hébreu. Il n’y a pas d’eau qui coule à Marseille, à part l’Huveaune… L’eau à Marseille, c’est la mer, c’est l’horizon… »
Recueil des témoignages : Sarah Champion-Schreiber
Photos : Cyril Becquart
Série réalisée avant le confinement.