Dans cette effervescence de solidarité, nous, une petite équipe de récolteuses, sommes venus glaner des paroles et des témoignages auprès des personnes présentes, des mamans essentiellement.
Nous venions avec le souhait de récolter les désirs, les rêves pour l’année qui s’annonçait. Mais le besoin, c’est d’abord de faire part de la situation présente : les difficultés matérielles. On effleure les rêves de loin. L’heure est à la débrouille. Pour ce qui est des perspectives 2021, on verra demain.


F.

 « Lors du premier confinement, les parents d'élèves ont organisé une "cagnotte" afin d'acheter de l'alimentaire à distribuer aux familles. Et très vite la boucherie de Mustapha (Hallal Market) est venue apporter son concours en offrant 2 kilos de poulet par famille et par semaine. Impossible, dit Françoise, de dépanner toutes les familles. Donc, le critère de sélection, c’était les familles bénéficiant de la cantine gratuite, puisqu'au premier confinement les écoles étaient fermées. Et les distributions se passaient dans l'école même.

 Au deuxième confinement, les écoles étant ouvertes, c'est le CCO Velten qui prête ses locaux pour renouveler l'opération, et cette fois, avec le concours de la banque alimentaire. Sauf, qu'aujourd'hui, il n'y aura que le poulet de Mustapha. »

 

S.

« Je suis en France depuis 13 ans. Avant l’Albanie, à Loutchnia. J’ai une fille de 4 ans, Samantha. Je suis enceinte de trois mois. J’habite dans un hôtel, Autocars, à la gare Saint Charles. C’est difficile. La chambre est très petite. On est trois personnes avec mon mari et ma fille. Mais heureusement, on peut faire à manger.

Depuis 2017, je suis là, à Autocars, dans la chambre. Ma fille va à l’école Parmentier, avec la maitresse Laurence. Beaucoup de famille, on des problèmes. Les loyers, les repas… dans cette période c’est difficile. Mon mari ne travaille pas en ce moment. Avant, il faisait des fois des chantiers de peinture. Moi non plus, je ne travaille pas. On n’a pas de papiers. C’est la plateforme asile qui nous aide.

Un appartement c’est trop cher. Donc on est à l’hôtel. On ne sait pas comment ça fonctionne pour avoir un contrat de travail, des papiers, un appartement. C’est difficile en plus avec un bébé qui va venir. Pour moi, le stress c’est juste ça. C’est trop petit avec deux enfants. Ce que je veux, c’est juste une pièce en plus.

On est parti d’Albanie. On n’avait rien là-bas. Il y avait des problèmes avec la famille de mon mari. Le père de mon mari avec moi. Donc on est parti.

Pour les enfants, ici, c’est magnifique. L’école, c’est magnifique. Les maitresses, elles travaillent bien. Et elles aident avec les colis. Grâce à elles, j’ai ce qu’il faut, sauf la lessive, le savon, le shampoing. L’hôtel ne donne rien. C’est nous qui payons l’hôtel : 400 € par mois. Mon mari travaille un jour oui, un jour non. À la Blancarde, je prends le bus 67, et j’ai un colis pour le mois : lait, farine, huile, céréales.

On reste en France pour la petite. Pour l’école. Mais, on a eu une deuxième réponse négative pour notre demande d’asile. Si mon mari avait un contrat de travail, ce serait magnifique, on pourrait avoir des papiers. Mais je ne connais personne ici pour aider pour le contrat de travail. A Noël, on ne va pas mettre de sapin. On n’a pas la place. On n’a pas encore d’amis ici. Ce qu’on veut juste c’est une maison, un toit pour dormir.

Sept ans qu’on est en France. Toujours dans une petite chambre. Et ma fille, ce que je veux pour elle, c’est qu’elle fasse de la danse. Tu sais où on peut faire de la danse gratuitement ? Regarde, elle est mince ! »

J’ai eu tellement de rêves, tellement de souhait. Mais là, non.

A.

« Ne pas parler. Je suis en suis foyer. On est quatre, dans petite chambre, donc ça me fait couler les larmes. Les enfants, 14 ans, 10 ans, 4 ans. La petite à Parmentier. L’autre Convalescent. L’autre au collège Chartreux. On est à Coco Velten. Une petite chambre. On est quatre. On a une cuisine.

Je suis arrivée en 2018, en Bourgogne puis à Marseille. Le papa était là. Je suis venue le retrouver mais ça ne s’est pas bien passé. Avant j’étais au Cameroun. Là, je n’ai personne. Je suis en cours de régularisation. Je suis en stage en EHPAD. En formation d’aide-soignante. Et je viens chercher le paquet alimentaire. Ce n’est pas facile.

J’ai eu tellement de rêves, tellement de souhait. Mais là, non. Je peux que me laisser guider au jour le jour. »

K.

« J’ai trois enfants. Deux à Korsec et une à Parmentier. J’habite rue de Crimée. Le papa travaille pas en ce moment sauf pour des marchés, parfois. Il fait boucher. Ça dépend des jours.

Je suis enceinte, en ce moment, du quatrième. Avant, je faisais le ménage dans les hôtels. J’ai besoin d’un appartement plus grand. Là, on est dans un T2, c’est trop petit. Et aussi, je veux un travail pour moi et mon mari.

L’enfant : « moi je veux des jeux de société. Et avoir une piscine pour nager avec un toboggan. Et aussi je veux faire du karaté, de la boxe, de la gym. J’ai envie d’être forte. »

On est d’Algérie. De Tlemcen. On a déposé un dossier pour les papiers au tribunal. Il fallait attendre cinq ans pour déposer le dossier. On l’a fait. Mais le tribunal a donné un refus. »

A.

 Elle sort son téléphone pour appeler une amie qui nous fait la traduction.

« Je suis en France depuis plus d'un an, avec mes 2 enfants. Je vis à l'hôtel. De temps en temps, je vais à l'école Parmentier pour apprendre le français, mais c'est dur.

Ma fille de 19 ans ne va pas à l’école. Elle essaye d'apprendre le français sur internet parce qu’on voudrait rester ici. »

I.

« J’ai deux garçons et une fille. Et j’attends une fille. J’habite rue des Dominicaines, à l’hôtel. Parce que notre immeuble était insalubre, on a été évacué il y a deux mois. On a un appartement à l’hôtel avec trois chambres.

Après on ne sait pas où on va aller. Ça fait quatre ans qu’on est là. Avant on était dans le 14ème, dans un appartement. C’était sale, il y avait des rats et c’était humide. Là, l’hôtel c’est propre.

Ce que je veux c’est être régulariser moi et mon mari. On est d’Algérie. Ça fait sept ans qu’on est en situation irrégulière. On a fait la demande cette semaine, on attend. On ne sait pas. C’est compliqué avec la Préfecture. On espère pour nous, pour les enfants.

Mon mari travaille au noir dans un magasin de taxi phone donc il a pu continuer à travailler. On a un peu des aides de la mairie pour les enfants. Et c’est l’assistante sociale qui nous aide. Elle est un peu dure mais là ça va.

Ce que je veux, c’est la santé pour moi, pour les enfants. Que ça aille bien pour eux à l’école. L’école est très bien. Merci à l’école, merci aux gens qui nous aident. »

Ce que je veux c’est être régulariser moi et mon mari. […] Ça fait sept ans qu’on est en situation irrégulière.

K.

« C’est difficile un peu cette période. Heureusement, il y a les aides alimentaires. La mairie m’a donné des chèques pour la cantine de l’année dernière. J’ai six enfants dont un au collège, deux en primaires, deux en maternels et la dernière elle est là avec moi.

On n’a pas de carte de séjour. On est arrivé il y a 8 ans à Marseille, de Milan. Nos deux premiers sont nés là-bas. Mon mari et moi on est Sénégalais mais on s’est rencontrés à Milan. On a fait deux demandes de régularisation. La première fois, ils ont refusé pour manque preuves puis on a fait appel. Ils nous ont dit qu’on peut rentrer au Sénégal.

On habite rue Francis de Pressencé. C’est une sous-location. Un T3. C’est insalubre, fissuré. Le sol bouge. C’est comme si le sol était élastique. C’est spongieux. Il y a des fuites d’eau dans les toilettes. Les carreaux se cassent. On a peur.

On est au premier depuis 2018. On veut un vrai bail pour avoir des papiers, une adresse à nous. Pas au CCAS. Là, on nous a trouvé un appartement dans la rue Jean Roque, derrière la rue d’Aubagne.

Mon mari travaille dans la sécurité au noir. C’est dur d’avoir un contrat. Là avec le confinement, le travail devient plus dur. Il travaille que le dimanche. Heureusement, il y a les chèques services, ça m’a beaucoup aidé.

Les enfants veulent faire du sport. Mais on n’a pas les sous. Depuis longtemps, on paye plus le loyer. On ne peut pas.

On avait des rêves mais en 2017 ça a été une vraie déception : le rejet de la demande de régularisation. Ça nous a déstabilisé. On y croyait. On avait tout. On était là depuis cinq ans en France.

L’avenir je le vois quand même en rose. Je crois qu’on va s’en sortir. La prochaine demande, on va s’en sortir. Parce que les enfants travaillent bien à l’école. Ils ont des bonnes notes. Des 20 ou des 19. Parfois, on a des pincements au cœurs. On leur souhaite le meilleur. »

Je sais que j’aurai des grands rêves mais plus tard, dans le futur.

Z.

« Ça me rend malade. De ne pas bouger, ne pas marcher. J’aimerai que les gens soient libres.

Dépendre du gouvernement, ce n’est pas ce que nous voulons. Ce n’est pas facile de faire des projets aujourd’hui. Je voudrais pouvoir marcher, nourrir mes enfants, sans dépendre du gouvernement.

J’ai peur, j’ai peur pour mes enfants, ils vont à l’école. Je n’ai pas peur de venir ici, je porte un masque, mais les enfants n’en portent pas.

Pour l’instant, je ne vais pas dehors mais je prévois de pouvoir ressortir. On reste à l’intérieur la plupart du temps, je joue avec mes enfants, ils me disent ce qu’ils apprennent à l’école.

Un a 2 ans, l’autre 4. Ils veulent aller dehors, mais j’ai peur de les emmener dehors.

Je ne sais pas comment on s’occupe d’eux à l’école, je leur souhaite le meilleur. J’ai l’impression qu’on prend soin d’eux ; ils jouent.

J’attends d’avoir des papiers, j’attends de pouvoir me prendre en charge moi-même, sans dépendre du gouvernement. J’ai demandé l’asile ; je reste à l’intérieur. Je ne sais pas ce qu’ils peuvent faire, me renvoyer dans mon pays. Même si j’ai un bon comportement. Je voudrais sortir, préparer un meilleur avenir à mes enfants.

N’importe quel travail, même du nettoyage, n’importe quel travail. Je sais que j’aurai des grands rêves mais plus tard, dans le futur. »

L’avenir je le vois quand même en rose. Je crois qu’on va s’en sortir.

K.

« Je suis dans une situation irrégulière. Avant le premier confinement, mon mari il travaille, il fait des bricoles, mais après il ne travaille pas parce qu’il y a des contrôles de pièces d’identité. J’ai peur, ils demandent l’attestation et pièce d’identité.

Je suis là depuis 4 ans, en France. J’ai un gosse et je suis enceinte. Il y a des associations, le resto du coeur. On manque de produits d’hygiène.

Maintenant je ne paie pas le loyer, j’ai des problèmes avec le propriétaire, à Belsunce.

J’aimerai bien être dans une situation régulière ; on ne peut pas travailler. Cinq ans de présence et trois certificats d’école pour le petit pour demander les papiers.

Je reste à la maison. Avant le Covid, je fais des ménages. Maintenant je suis enceinte, je ne peux pas travailler.

Mon rêve, c’est les papiers. Je travaille. Je veux que mes enfants vivent comme tous les enfants ; sans papiers il ne peut pas partir en vacances.

Une formation, moi j’aime la pâtisserie. J’aimerai bien faire une formation de pâtisserie.

Je suis positive, mais toujours je dis il reste deux ans, en plus. Dans deux ans, ça ira mieux.

Moi je connais beaucoup les endroits, mon mari il ne connaît pas les endroits. »

Mon rêve c’est d’avoir un chez moi, un logement et trouver un travail, nous deux.

A.

« C’est une situation difficile, comme on a des enfants, on ne peut pas sortir. Difficile pour avoir une assistante sociale. Ça prend beaucoup de temps, là je suis chez un ami.

A chaque fois, l’assistante sociale me dit qu’elle peut pas m’aider : il n’y a pas de place au foyer. Ça fait quatre mois que je suis à Marseille, en France, mon dossier est en train d’être traité, ça suffit pas pour m’aider, 32 euros, tous les mois. J’ai deux enfants.

Chez mon ami, on est 9 : lui, ses enfants, moi, mon mari, nos enfants. Il paye tout : l’électricité, tout. Mon mari cherche un travail. Il est de Mayotte, il cherche un titre de séjour français. Il faut qu’il ait une adresse ici.

On s’est inscrits à Pôle Emploi, on cherche tous les deux du travail. Responsable de rayon ou vendeuse.

Avec le Covid on n’a pas la liberté qu’on avait avant. Pas de rendez-vous, l’accueil ne prend pas de gens. Ça a rendu plus difficile l’arrivée en France. J’ai des problèmes de santé, je ne sors pas, j’ai peur de ça. Je sors quand c’est obligatoire.

Là, j’ai amené mon mari pour que ce soit lui qui vienne après, vu que j’ai des problèmes de santé. Même pour aller à l’école, c’est mon mari qui accompagne les enfants.

Je pense que ça va s’améliorer, quand on trouvera un travail, et que le RSA va augmenter, le temps qu’ils traitent mon dossier.

Mon rêve c’est d’avoir un chez moi, un logement et trouver un travail, nous deux. Offrir la crèche pour mes enfants. La liberté ; qu’on puisse aller où on veut, se réunir ensemble, en famille. »

 

S.

« Mon mari il travaille bien, je n’avais pas besoin (de venir ici). Mais mon mari ne travaille plus, c’est fermé sa boîte. Il travaillait à Leader Price, et licenciement économique. Ça fait un moment.

On espère que ça va changer. Reprendre la vie normale ; sortir, aller avec les enfants, on dirait ils sont en prison. 11 ans, 9 ans et 7 et 5 ans. Heureusement ils sont à l’école. Au premier confinement, ils étaient malades, entre quatre murs.

On est pas heureux, à la maison, il y a des disputes. On mange mais on ne profite pas. Le confinement il est allégé mais on a peur. Peur des autres, se méfier de ses amis, c’est difficile. On ne sait pas qui est malade, on a peur.

Je travaille, je m’occupe de la maison, je lis un peu, je regarde la télé.

J’aimerai profiter, faire la fête tous ensemble. »

Dessin de Marilou