Stan, building Pouillon Canebière
Je suis Stan le jardinier, c’est comme ça qu’on m’appelle ici dans le building. J’habite l’immeuble Canebière Pouillon. Je suis paysagiste de métier, je conçois des projets d’aménagement. Mais je tiens à garder un pied et les mains dans la terre, du coup je jardine.
C’est un immeuble très particulier. Il s’est construit sur les cendres des Nouvelles Galeries qui ont brûlé dans le terrible incendie de 1938. Ici, tout n’est que blessures. Après l’incendie c’est resté une friche pendant 10 ans. La construction a été longue, ça ne devait être que des bureaux et au dernier moment alors que l’immeuble était déjà construit, la Ville décide d’en faire de l’habitat. Et puis il y a eu une longue période de laisser aller de l’immeuble. Les gens pour la plupart se fichent des parties communes. On prend soin de son intérieur et le reste on s’en fout. C’est la culture méditerranéenne. Il faut dire que les charges sont exorbitantes. Mais peu à peu, il y a une dynamique qui se crée et qui prend. C’est la jeune génération ! Je pense que le building peut être un vrai fer de lance dans le quartier.
L’immeuble a un énorme potentiel, c’est génial. Il offre plein d’espaces extérieurs où on peut faire du jardinage collectif. Il y a trois toits terrasses au premier étage. Mille mètres carrés cultivables ! Mon grand projet dans l’immeuble c’est mettre en place, sur ces toits, un système d’hydroponie. C’est à dire de culture sur l’eau. Ça se fait beaucoup au Canada, en Asie aussi, sur les toits des grandes villes. C’est un formidable moyen de culture hors sol. Il suffit de 10 cm de hauteur d’eau. C’est comme une éprouvette, tu rajoutes les oligo-éléments qu’il faut, et tranquillement tu biberonnes tes plantes, tes légumes. On peut faire pousser des salades, des tomates, des courgettes, des poivrons, des piments, des pommes de terre, des herbes aromatiques… Je vais commencer par aménager des composteurs sur ce toit pour quelques familles, et on verra peu à peu. Ce sera ma cour d’essai.
Jusque là, je me suis attelé au grand hall qui donne sur la Canebière. J’y ai lancé un projet de végétalisation. Au début il n’y avait personne. Les habitants se demandaient ce que ce farfelu faisait là avec ses pots et ses plantes. On me disait que les pots allaient être volés, que les feuilles étaient pleines de trous et que ça n’allait pas tenir. Les magasins à côté ne voulaient pas entendre parler des plantes devant leurs vitrines. Mais peu à peu, ça a pris. La menthe surtout a beaucoup de succès !
Aujourd’hui, les plantes du hall sont là. Le gardien en prend soin, c’est lui qui arrose. Quand je jardine les gens viennent me parler et m’aider. On organise des ateliers avec les enfants de l’immeuble pour planter de nouvelles plantes. Et c’est là que la rencontre se fait avec les voisins. Voilà, Il faut faire, s’engager, s’investir et avoir la foi !"
Recueil des témoignages : Sarah Champion-Schreiber
Photos : Cyril Becquart